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Essais de Patrick Auge Sensei Shihan - Essais de ceintures noires - Autres essais

    Voeux du nouvel an et message du president

    Le 27 décembre 2005

    Chers élèves, chers amis:

    Nous sommes presque en 2006 et voici le moment de réfléchir sur l'année qui finit. Dans le message de l'an dernier, je parlais de l'objectif de l'étude du budo qui est de s'entraîner à gérer les difficultés de la vie. J'ai utilisé ce message en tant que base de discussions avec les élèves. Celui-ci sera utilisé dans le même but.

    Il y a plusieurs manières d'aborder l'étude du budo. La majorité d'entre nous fut attirée essentiellement par l'étude du budo dû à son aspect externe, étant donné qu'il semblait satisfaire un besoin temporaire de sécurité. Cela fut mon cas. Cependant ma compréhension changea après avoir rencontré Mochizuki Sensei et reçu son enseignement au Japon. Lorsque j'y vivais, je remarquais que de nombreux élèves japonais et autres se demandaient pourquoi des étrangers venaient étudier avec Mochizuki Sensei. Ils se demandaient, " qu'est-ce qu'il a de si spécial ? "

    Permettez-moi de vous rappeler que Mochizuki Sensei était un élève spécial du Kodokan dans les années 1920, qu'il reçu un enseignement direct de Kano Sensei, et que Kano Sensei l'avait sélectionné pour aller étudier sous la direction de Ueshiba Sensei dont il devint uchideshi.

    En Europe, Mochizuki Sensei est vu par de nombreux anciens pratiquants d'arts martiaux comme le père du budo européen moderne. Il fut l'un des premiers professeurs de budo japonais à partir du Japon pour enseigner, sitôt après la seconde guerre mondiale. Après avoir passé quelque temps auprès de Kancho Sensei et après avoir rencontré les personnages extraordinaires qu'il me fit connaître (Okubo, Otsuka Sensei, Suzuki Shunryu, parmi d'autres), je me rendis compte combien Mochizuki Sensei était un professeur hors du commun.

    Je pouvais sentir en lui la présence de ses deux professeurs : d'une part le Kano rationnel, fondateur du judo et l'un des trois hommes les plus influents dans l'histoire de l'éducation japonaise, et d'autre part le charismatique et spirituel Ueshiba, fondateur de l'aïkido. Tous deux sont considérés comme faisant partie des plus grands pratiquants d'arts martiaux du vingtième siècle. Mochizuki Sensei fut une synthèse et la continuation de leur héritage.

    Plus tard, la politique et la concurrence avec d'autres arts martiaux dilués et développés hâtivement au Japon de même que dans d'autres pays, aussi bien que les nombreuses tentations amenées par le succès brutal de l'économie Japonaise, eurent généralement pour résultat un manque d'intérêt et d'engagement de la part des jeunes. Très tôt, il me devint évident que notre école, le Yoseikan, était une école en voie de perdition. C'est alors que je pris la décision de me consacrer à sa préservation et à son développement. Je décidai aussi de trouver des individus appropriés et de les former à devenir soit des professeurs, soit des supporters. Pour cela, il était nécessaire de cultiver trois qualités essentielles : force, compassion et sagesse.

    La force est le résultat d'un entraînement technique et psychophysique rigoureux. Cependant, la force sans compassion ni sagesse devient simple violence.

    La compassion est la qualité de l'esprit qui consiste à comprendre ce que les autres ressentent et les raisons pour lesquelles ils se conduisent de telle ou telle manière. Elle résulte de l'apprentissage à voir clair en soi-même par l'observation et la méditation. La compassion se base sur la pensée rationnelle et doit être complétée par la force et la sagesse, sinon elle risque de tourner en pitié, état d'esprit émotif qui mène souvent à prendre des décisions imprudentes.

    La sagesse est l'habileté de comprendre l'interrelation de tous les phénomènes et de prendre en conséquence des décisions adéquates. Afin d'être efficace, la sagesse doit avoir le support et de la force et de la compassion.

    Si nous prenons le temps de penser à ces trois qualités, nous pouvons facilement voir comment elles sont reliées entre elles et se complètent les unes les autres. Tout comme les mesures de sécurité avant le décollage d'un avion insistent sur l'importance de mettre son propre masque à oxygène avant d'aider toute autre personne, on doit aussi se développer en premier avant d'aider les autres.

    On ne peut partager que ce que l'on a.

    Le problème est qu'une fois nos besoins de base satisfaits, bien peu d'entre nous se préoccupent de continuer leur développement personnel.

    Cela est évident particulièrement chez les débutants. De nombreuses personnes sont attirées par l'aïkido à un moment de leur vie où elles traversent une crise, généralement provoquée par une catastrophe financière ou émotive, qui en apparence semble en être la cause directe. En fait, cette crise devient le catalyseur qui déclenche une réaction en chaîne qui expose de ce fait d'autres conditions préexistantes et dormantes. Grâce à l'attention personnelle, au support et à la structure claire offertes par le dojo, la plupart des gens arrivent à surmonter cette crise. Cependant, une fois qu'ils ont trouvé un nouvel emploi et/ou un nouveau partenaire, ou qu'ils croient que le temps a guéri leurs blessures, nombreux sont ceux qui abandonnent sous le prétexte que leur nouvelle vie ou nouvelles activités les tiennent trop occupés pour continuer leur entraînement. Pourtant, d'après mon expérience, dans la plupart des cas ils reviennent à leur mode de comportement antérieur, ce qui les ramène directement là où ils se trouvaient auparavant. Les apparences peuvent avoir changé, mais la manière fondamentale de penser, elle, n'a pas changé!

    Afin de compléter le processus de guérison et de nous assurer de ne pas rechuter, il est essentiel de confirmer continuellement notre engagement par notre présence régulière et le partage de notre expérience avec ceux qui, autour de nous, peuvent passer une période de difficultés. Ainsi nous encourageons ceux qui nous ont aidés, nous les aidons à compléter leur propre processus de guérison, et nous les rétribuons pour leur temps et leur engagement en montrant la voie aux autres.

    Il y a un vieux proverbe qui dit : " donne un poisson à un homme et tu le nourris pour une journée ; enseigne-lui à pêcher et tu le nourris pour la vie ; enseigne-lui à enseigner les autres et tu nourris la planète ". La majorité d'entre nous veut seulement apprendre à pêcher pour eux-mêmes. Avec ce genre de mentalité, l'avidité et la crainte prennent le dessus et en un rien de temps nous nous mettons à pêcher bien au-delà de nos besoins, puis nous construisons d'énormes bateaux usines, nous vidons les mers et continuons à contribuer au cycle infernal de souffrances.

    C'est la raison pour laquelle plus notre grade est élevé, plus nous avons de responsabilités envers les autres membres du dojo et la société. L'existence des autres rend notre existence possible.

    Tout commence par le professeur. Dans ses discours, Mochizuki Sensei décrivait le DO [ou michi] comme une voie. " Un roi construit une route afin que ses sujets puissent voyager en toute sécurité d'un endroit à un autre, pour les aider à améliorer les communications et le commerce, et protéger son royaume en facilitant le déplacement rapide de son armée. De même, une voie martiale est établie par un maître pour que ses disciples mènent une vie de qualité et dirigent les autres sur la Voie ". Kancho Sensei, par son enseignement et l'exemple de sa vie, insistait sur l'importance d'avoir l'intention sincère d'aider les autres comme condition primordiale à l'étude du budo. Nous devons compléter notre apprentissage et notre pratique des techniques martiales avec un entraînement spirituel et mental ; autrement ce n'est pas du budo.

    Etant donné qu'un enseignant a tendance à attirer et à garder des élèves de caractère similaire au sien, il/elle se doit de montrer la voie en se développant lui/elle-même par les quatre qualités et habiletés inter reliées suivantes :

    La générosité basée sur la sagesse ; la claire communication ; l'étude et l'enseignement (shugyo) ; et la vie basée sur l'application des enseignements.

    Ces qualités doivent être développées dès le début de notre étude afin de faire partie intégrante de nous-mêmes. Je maintiens des critères très stricts en ce qui concerne l'entraînement et le développement des professeurs de Yoseikan. Ils ne doivent pas seulement participer aux camps, stages et séminaires de professeurs, mais ils doivent aussi être capables d'inspirer leurs élèves par l'exemple de leur vie. Si un professeur refuse de se conduire d'après les valeurs selon lesquelles nous avons tous accepté de vivre, il/elle doit donner sa démission, sinon il/elle sera expulsé.

    J'ai eu parfois à prendre de telles décisions. La plupart des organisations sont prêtes à négocier et à faire des compromis par crainte de perdre des cotisations. Les prises de décision basées sur la facilité et la popularité amènent des solutions temporaires mais causent toujours des problèmes pires dans l'avenir. Quand on trouve un fruit qui pourrit dans un panier, on le jette immédiatement, sinon il contaminera le panier entier. Nous devons rester conscients du fait que le Yoseikan est une école en voie de perdition ; en conséquence de cela, nous ne pouvons pas utiliser son existence dans le but de satisfaire nos propres intérêts.

    Le thème est le même en ce qui concerne les grades : lorsqu'un élève atteint le niveau supérieur, non seulement il encourage ceux qui sont en dessous de lui et qui voient la possibilité de progresser, mais il contribue aussi au développement des seniors qui l'aidèrent à atteindre son niveau. Quand un élève abandonne son école, il cause du dommage à tout le monde. Il cause du dommage à ceux qui l'aidèrent, " Qu'ai-je fait de mal ? " Et il cause du dommage à ceux qui sont ralentis dans leur apprentissage parce qu'il leur manque un partenaire et qu'il ne partagera pas ce qu'il a appris. Plus notre grade est élevé et/ou plus nous avons reçu d'attention, plus le dommage est grand lorsque nous abandonnons notre entraînement.

    Il en est de même pour ce qui est de l'absentéisme. Lorsque nous manquons une classe ou abandonnons, nous ne pensons souvent qu'à nos propres conditions et à notre commodité. Mais pensons-nous que l'entraînement des autres élèves pourrait être affecté par le fait que nous entravons le groupe lors de notre retour au dojo ? Quand un élève a besoin d'aide, les autres élèves l'aideront -- cela fait partie de leur entraînement -- s'ils savent que cet élève est responsable et ne considère pas cette aide comme allant de soi. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux élèves d'avertir leur professeur de leurs absences et de rattraper les classes manquées. Avertir son professeur ne devrait jamais être considéré comme un rituel ou une obligation : cela doit être fait avec l'esprit de s'entraîner à reconnaître ses intentions ; c'est le premier pas vers la prise de responsabilité personnelle.

    Cependant la gestion des relations avec toutes sortes de gens fait partie de l'étude des enseignants aussi bien que des élèves. Cela nous apprend que la motivation résulte d'une concentration soutenue. La concentration est l'habileté de maintenir son attention sur un seul objet, à l'exclusion de toute chose n'ayant aucun rapport avec cet objet. La concentration n'est pas innée. Cela se cultive.

    Je voulais partager ces pensées avec vous. Je recommande que vous preniez le temps de réfléchir sur cette lettre ; mettez-la dans un endroit où vous aurez facilement accès pour vous y référer. Rien de ce que j'écris ne doit être considéré comme définitif ; on devrait plutôt regarder cela comme un point de départ pour penser en soi-même. Nous en discuterons lors de l'année prochaine.

    Kaoru Sensei et moi vous souhaitons une nouvelle année joyeuse, saine et prospère. Merci de votre confiance et de votre support continuels.

    Patrick Augé Sensei

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