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Essais de Patrick Auge Sensei Shihan - Essais de ceintures noires - Autres essais

L’honneur

Qu'est-ce que l'honneur ? En occident, on s'imagine un soldat recevant une médaille devant un auditoire de centaines; on se rappelle une cérémonie extravagante à la télévision où un récipiendaire d'une statuette s'affaire à donner un discours; on entend dire « tout l'honneur est pour moi » en réponse à des remerciements. Mais qu'est-ce que l'honneur réellement ?

Ici, je veux parler de la qualité que l’on ressent en soi, fondée sur des croyances ou des valeurs nobles d’où découlent les comportements honorables. Cette qualité résulte du développement de certaines autres; ce n'est pas une vertu que l'on travaille directement. Dans le contexte du budo, on reflète sur la vie d'un samouraï, un serviteur du daimyo. Sensei nous parle des qualités nécessaires à ce rôle : la loyauté, le devoir et le courage. Je vais donc examiner ces qualités comme je les comprends aujourd'hui.

Au cours de notre vie, nous rencontrons des leaders, des gens qui sont importants pour nous, qui ont une sagesse, une force de caractère et de la compassion issues d'une certaine expérience de vie et vers lesquels nous nous tournons pour de la guidance : parents, professeurs, conseillers, leaders spirituels et même politiques. Selon notre expérience de vie, nous allons nous vouer à des causes et des enseignements, et nous entretiendrons des relations avec ces gens ainsi qu'à des communautés et par cela, nous développerons de la loyauté à l'égard de ces causes, ces figures et ces associations.

La loyauté c'est de supporter fidèlement quelque chose ou quelqu’un que l'on juge important pour le bien du monde même lorsque des difficultés se présentent.

Il faut cependant faire une distinction entre la loyauté et le fanatisme. Le fanatisme se développe lorsqu'on absorbe des enseignements sans y réfléchir : une croyance sans raison. Lorsqu'on n'y pense pas, on ne peut pas développer de la compréhension. Qu'est-ce que la loyauté sans compréhension ?

Une fois que nous souscrivons à une philosophie, il faut nourrir notre développement par l'étude et le devoir. Lorsque nous comprenons l'importance de la philosophie qui nous intéresse, nous reconnaissons la nécessité du devoir. Pour nourrir cette philosophie, renchérir ces enseignements et améliorer la société concernée, il y a toujours des besoins à combler. Qui va les combler et par quel motivation ?

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Lorsqu'on le fait sans compréhension, on le fait par obligation. Encore une fois, on reconnaît ici l'importance de la compréhension née de la réflexion et de la concentration. Dans l'étude du budo, certains se pose la question « que dois-je faire pour passer au prochain grade ? » Et si on changeait la question à « comment puis-je travailler pour mieux faire ? » Le devoir découle de la compréhension et non pas de l’intérêt personnel.

Le devoir c'est de reconnaître et de faire ce qui est nécessaire sans arrière-pensée.

Dans le devoir, on a besoin du courage, surtout en ce qui concerne faire ce qui n'est pas populaire ou ce qui est difficile. On le pratique en faisant face à ses peurs ou en relevant des défis de plus en plus difficiles afin de se familiariser avec le processus.

Le courage c'est d'avoir la force d'esprit de prendre le bon chemin quand on est confronté à des choix difficiles.

Qu'est-ce que le courage sans compréhension ? En acceptant des défis difficiles sans réflexion, préparation et expérience, on risque de ne pas sans sortir. N’est-ce pas plutôt de la témérité? Il faut donc développer à la fois notre capacité d'observation et d'analyse et notre motivation intérieure afin de pouvoir voir les différentes solutions et se lancer dans l'option qui nous semble la meilleure, même si elle est difficile. Il se peut que nous ne réussissions pas, mais l’effort ajoutera à la longue à notre expérience et à notre sagesse.

On a entendu l'histoire des soldats dans deux armées différentes auxquels on a donné l'ordre de capturer une colline. Les soldats fanatiques et téméraires qui obéissent aveuglément aux ordres par obligation monteront en ligne droite, sans y penser. Par contre, les soldats qui ont développé leur capacité de réflexion établiront d'abord un plan afin d'y arriver en minimisant les dommages.

« Je garde mes promesses. » Ce simple vœu nous permet de pratiquer ces trois qualités. En faisant une promesse, on se montre loyal envers la personne à qui on a fait cette promesse; on se donne le devoir de garder cette promesse et ainsi d’avoir le courage de faire ce qui est nécessaire afin d’y arriver. Cependant, par la réflexion, on peut constater que le premier devoir est de s’assurer qu’il est possible de garder une promesse avant de s’y engager et d’avoir le courage de refuser sinon, démontrant ainsi notre loyauté envers l’autre.

On voit que pour développer ces trois qualités, il nous faut les pratiquer avec réflexion et concentration. En pratiquant ces qualités, notre comportement deviendra plus honorable car nous développeront ainsi d’autres qualités nécessaires telles la compassion, la sagesse et la force. Au cœur de l'honneur on retrouve donc les qualités essentielles de loyauté, devoir et courage.

Voilà mes pensées à ce sujet au moment où j'ai soumis cette dissertation. Cette réflexion est un travail continu.

Daniel Côté
Juillet 2009
Ottawa, Canada